La participation de CARE à la tripartite

CARE PLAIDE POUR UNE ACCELERATION DES REFORMES POUR FAIRE FACE AUX ENJEUX DU 21ème SIECLE

A travers sa participation à ce rendez-vous traditionnel des grands acteurs de la vie économique nationale, CARE, le Centre d’action et de réflexion autour de l’entreprise, tient avant tout à revenir, une fois de plus, sur la nécessité d’accélérer la transformation en profondeur de l’organisation de notre économie. Non pas seulement pour faire face aux pertes de revenus occasionnés par la chute des prix sur le marché mondial des hydrocarbures, mais pour arrimer plus solidement notre pays à un monde que de formidables mutations technologiques et scientifiques sont en train de façonner sous nos yeux, à un rythme extrêmement rapide. Notre monde d’aujourd’hui. C’est là la substance du message que nous tenons à délivrer par devant votre auguste assemblée.

Nous sommes d’autant plus heureux d’être présents à cette rencontre, tripartite, qu’aux yeux des membres de CARE une économie de marché ouverte est avant tout, une économie de dialogue et elle ne peut être bâtie solidement que si elle est le résultat effectif d’un consensus entre les acteurs économiques et sociaux qui la font vivre au quotidien.

De plus, le monde autour de nous nous rappelle à chaque instant que toutes les économies sont connectées et interdépendantes et sont sujettes en permanence à de nombreuses incertitudes, nous devons être aussi nombreux que possible à nous impliquer dans l’analyse des problèmes qui sont face à nous, dans la formulation de solutions novatrices et dans leur mise en œuvre, si nous voulons avancer à pas sûrs dans la construction de l’économie algérienne de demain.

C’est pour la seconde fois que les participants à cette rencontre tripartite sont invités à réfléchir au nouveau modèle de croissance que notre gouvernement souhaite enrichir et promouvoir. Et, encore une fois, CARE, tient à saluer une démarche qui s’efforce d’aller audelà des ajustements nécessaires dans l’immédiat, en termes de gestion budgétaire ou de rétablissement des équilibres de la balance des paiements, pour aborder de front les réformes structurelles de l’organisation de notre système économique.

Pour avoir depuis longtemps plaidé l’urgence de ces réformes et le besoin vital de diversifier notre économie et la sortir de son addiction à la rente des hydrocarbures, nous prenons, à CARE, la mesure des retards pris par notre pays, mais nous disons dans le même temps qu’il n’est pas trop tard pour commencer à afficher de légitimes ambitions pour l’avenir.

Aussi, nous ne pouvons que nous féliciter quant à toutes les actions inscrites dans le cadre de ce nouveau modèle de croissance, qu’il s’agisse de la réforme des mécanismes de financement de notre économie, de la priorité à accorder au développement de la sphère productive, de la diversification des ressources énergétiques et, en particulier, des normes nouvelles de gouvernance à promouvoir en matière de gestion de notre économie.

Nous tenons, toutefois, à souligner la nécessité qu’il y a, dès à présent, à commencer par approfondir la réflexion quant à la vision de la nouvelle économie algérienne que nous souhaiterions bâtir à l’horizon des vingt ou des trente prochaines années. En d’autres termes, nous devrions arrêter définitivement de nous focaliser sur le prix du baril de pétrole et considérer une fois pour toutes l’urgence absolue du cap vers la diversification de notre tissu économique, quand bien même ce prix du baril devait revenir à son niveau d’avant la crise. Et c’est dans cet esprit que CARE tient à formuler les principales observations et propositions suivantes :

1- Affirmer plus franchement la priorité politique du gouvernement en faveur du nouveau modèle de croissance

On voit bien qu’en dehors des propositions qu’il a portées en termes d’ajustements de la politique budgétaire, ce document, déjà finalisé depuis une année, a été quelque peu oublié et n’a même pas fait l’objet d’une présentation publique, encore moins d’une adoption solennelle par les autorités économiques du pays.

Aussi, en plus de la nécessité absolue qu’il y a à combler cette lacune et à en faire un document de travail autour duquel vont devoir se structurer les politiques publiques, CARE recommande de le compléter par des dispositifs opérationnels de nature à conférer une plus grande visibilité aux réformes qui vont devoir être engagées.

La fixation d’objectifs SMART (Simples, Mesurables, Réalistes, Accessibles et Temporels) adossés à des plans d’actions reprenant des Indicateurs clefs de performances (KPIs) pour un suivi continu, nous parait être un impératif pour le succès de sa mise en œuvre.

2- Une régulation par les mécanismes économiques et non par les restrictions administratives

La réduction de la propension à importer devrait être recherchée à travers des mécanismes classiques de régulation économique et non pas à travers les restrictions administratives ou les quotas à l’importation. La propension à importer se résorbera d’elle-même dès lors qu’auront été supprimées les conditions qui la stimulent et la favorisent. Ainsi, CARE propose plutôt le recours à :

• Une gestion appropriée et plus active du taux de change du dinar, qui mette fin à la surévaluation chronique et structurelle de la monnaie nationale ;

• La réforme rapide et urgente du système des subventions, non pour les supprimer  mais pour faire en sorte qu’elles soient orientées résolument vers le soutien à la production locale et non plus au soutien de la consommation de productions importées (cas des laits, des céréales, des huiles, des carburants, etc.) ;

• L’introduction de mécanismes plus déterminés de lutte contre les monopoles internes et externes qui sont sources de surcoûts à l’importation et qui protègent les rentes desituation au sein de notre économie ;

• La promotion de la concurrence sur les marchés internes est une nécessité absolue pour garantir une allocation plus efficace des ressources et la lutte contre les gaspillages ;

• La réforme en profondeur du système d'organisation en place au niveau de nos ports commerciaux qui sont aujourd’hui une des causes majeures de surcoûts et de gaspillages dans la gestion de notre commerce extérieur (au stade actuel, plus les marchandises attendent dans les zones portuaires et aéroportuaires, plus les entreprises portuaires s’enrichissent ce qui est aberrant en soi).

3- Pour un débat national ouvert sur la politique commerciale extérieure des vingt prochaines années

• Des engagements internationaux et de l’arrimage de l’Algérie à l’économie mondiale

Dans la phase actuelle, un grand nombre de restrictions commerciales ont été mises en place en liaison avec la forte baisse des revenus d’exportation de l’Algérie. Ces restrictions, pour justifiées qu’elles soient sur le court terme, sont en porte à faux avec les engagements commerciaux extérieurs du pays (Accord UE notamment) et risquent de brider l’activité économique elle-même.

Par-dessus tout, il s’agit, bien au-delà de la gestion des difficultés conjoncturelles, de mettre sur pied un véritable projet d’arrimage au marché mondial qui fasse de l’Algérie une plateforme de sous-traitance et de co-traitance internationale intégrée aux chaînes de valeur régionales et mondiales que ce soit dans l’industrie ou dans les services (parent pauvre de notre économie). Ainsi les opportunités sectorielles dans l’industrie manufacturière ne doivent pas être perçues seulement comme des activités d’assemblage de produits finaux à destination du marché local, ou même à l’export, mais aussi et surtout comme opportunités d'intégration aux chaînes de valeur. À la lumière de cette approche, les accords de libre-échange ne doivent en aucun cas être appréhendés sous l’angle exclusif de la perte de droits de douanes qu’ils seraient susceptibles d’engendrer.

• De l’attractivité nécessaire des IDE

De même, la politique en matière d’accueil de l’investissement étranger devrait être libérée des entraves actuelles, en dehors de quelques secteurs stratégiques pour lesquels l’Etat algérien souhaiter garder une mainmise. Il n’est pas raisonnable de libéraliser les échanges commerciaux, comme c’est le cas aujourd’hui, et d’ouvrir le marché national aux exportateurs étrangers tout en maintenant des barrières administratives face aux investisseurs internationaux.

• De l’axe Algérie-Afrique

La construction d’un axe Algérie-Afrique ne pourra se faire que dans la perspective d’une Algérie ouverte au monde, loi de toute vision dogmatique ou idéologique et passe d’abord, par une remise à l’ordre du jour du projet d’intégration économique et commerciale des pays de l’UMA. Et en ce sens, il est recommandé de fixer un cap à des négociations d’accession de l’Algérie à l’OMC qui sont en état de déshérence depuis de longues années sans que l’on sache quelle est la position effective de notre pays sur ce dossier majeur, de notre politique économique.

Dans ce contexte et compte tenu des enjeux de la relation aux marchés mondiaux, CARE propose l’ouverture d’un débat national sur le thème des engagements commerciaux extérieurs de notre pays pour les vingt prochaines années.

4- Redéfinir les périmètres de l’intervention de l’Etat dans la conduite de l’économie nationale

L’Etat algérien devrait arrêter ses interventions intempestives et directes dans l’ensemble de l’économie nationale, pour les circonscrire à une liste restreinte de quelques secteurs d’activité économique qui seraient être définis par la loi. L’interventionnisme tous azimuts et sans règles clairement établies est nuisible aussi bien pour les missions régulatrices dévolues à l’autorité puissance publique que pour la gestion des participations de l’Etat dans l’activité économique.

CARE considère qu’une clarification s’impose à cet égard et devrait avoir comme lignes directrices :

• Un retour au respect des mécanismes concurrentiels sans lesquels l’économie de marché perd de sa signification. La lutte contre les monopoles de droit ou de fait, la garantie de la loyauté des transactions et de la liberté de commerce et d’industrie et la protection des intérêts des PME-PMI, constituent des fondements sans lesquels il n’y a pas d’économie compétitive. Tout ceci implique de réhabiliter et de renforcer considérablement les moyens et les prérogatives de l’autorité nationale de la concurrence.

• Une gestion plus saine et plus rationnelle des ressources budgétaires de la collectivité nationale. En dehors des secteurs stratégiques et protégés, ces ressources budgétaires ne devraient plus être allouées au sauvetage perpétuel d’entreprises publiques auxquelles devraient s’appliquer pleinement toutes les règles prévues dans le Code de commerce.

• L’abolition progressive de toute distinction entre entreprise privée et entreprise publique, toutes les entités devant être soumises à la même loi et aux mêmes règles économiques sans distinction liée au statut de leur actionnaire.

Cela devrait être valable en particulier en matière d’accès au financement de leurs investissements ou de leur exploitation, ce qui est la condition première du développement d’un marché financier performant et de véritables partenariats Public-Privé que tous les acteurs nationaux appellent de leurs vœux. De même les procédures d’appel d’offres ne devront en aucun favoriser directement ou indirectement les entreprises publiques comme cela continue à se faire sans recours aucun pour les autres soumissionnaires.

 5- L’impératif d’une économie numérique

Le développement numérique ne devrait pas être considéré comme un simple volet sectorielde la politique publique, elle devrait être regardée comme une action transversale dont le développement est appelé à irriguer l’ensemble du système économique national. L’Algérie dispose de ressources humaines et matérielles pour exploiter de manière plus systématique le potentiel économique de l’industrie numérique ; son développement devrait être reconnu comme un facteur- clef de croissance, au regard aussi bien des nécessités de rentabilisation des investissements consentis jusque-là, que des opportunités de croissance qu’il est susceptible de générer dans un grand nombre de secteurs d’activité. Ainsi, il parait recommandé :

• De limiter le nombre de data center en projet au niveau des institutions publiques et de faire en sorte que l’utilisation du Cloud et la virtualisation permettent une mutualisation des ressources matérielles logicielles et humaines.

• D’inciter l’opérateur historique à se conformer aux dispositions de la loi 2000- 03 du 5 Août 2000 qui a permis d’ouvrir le secteur des Télécoms pour créer lesconditions d’une concurrence saine entre les acteurs et en particulier dans le secteur de l’Internet. De manière générale, le système de régulation en place devrait évoluer vers des pratiques favorisant l’innovation et la  créativité plutôt que celles fondées sur la restriction ou l’interdit.

• De compléter le dispositif législatif actuel par la promulgation de la loi sur lecommerce électronique et celle portant Code des Télécoms et des Communications Électroniques, avec comme objectifs de généraliser rapidement le système depaiement électronique et d’accroître significativement le nombre d’entreprises du numérique.

• De poursuivre et de finaliser les projets d’E-gouvernement pour faciliter les transactions numériques entre l’administration, l’entreprise et le citoyen.

• D’engager une réflexion particulière pour permettre à notre pays de mieux mettre en valeur les capacités d’exportation à partir des activités de l’économie numérique. L’Algérie exporte aujourd’hui moins de 1 USD par habitant de produits et services numériques, alors que la Tunisie et le Maroc en exportent respectivement 57 USD/habitant et 29 USD/habitant, grâce à des politiques volontaristes. Il est important de rappeler qu’exporter des services à partir de l’Algérie relève du parcoursdu combattant voir dans certain cas de l’impossible.

6- Pour un environnement économique au service de la performance des entreprises Il est temps de comprendre que les efforts de diversification de l’économie algérienne passent par un changement complet de paradigme, en ce sens que c’est non plus aux entreprises à s’adapter aux complexités des administrations qui régulent leurs activités, mais que c’est l’environnement économique et administratif qui devra dorénavant s’adapter aux besoins des entreprises et de leur compétitivité.

Dans une économie ouverte comme l’est l’économie algérienne, ce ne sont pas seulement les produits et les services qui sont en concurrence, il en va tout autant des systèmes de régulation, qui doivent eux-mêmes être performants. Notre pays a un grand retard à rattraper en la matière, sur plusieurs fronts, et notamment sur les aspects suivants :

• De nombreuses initiatives sont entreprises pour simplifier le climat des affaires on s’en félicite. Cependant Il est impératif qu’elles aboutissent rapidement à des mesures opérationnelles. Dans cet esprit, CARE vient d’achever un projet ambitieux de Plan National d’Amélioration du Climat des Affaires (PNACA)/NBA (National Business Agenda), qu’il a mené au long de deux années de consultation directe avec l’ensemble des associations professionnelles représentatives des intérêts des PME & TPE sur l’ensemble du territoire national. Le résultat est un plaidoyer précis des attentes des entreprises quant à la façon la meilleure de simplifier leur relation avec les autorités publiques et de stimuler leur développement. Cette démarche, qui sera présentée officiellement au cours des prochains mois, devrait être regardée avec bienveillance compte tenu de son caractère inclusif.

• Le nouveau Code du travail, qui fait l’objet de tentatives répétées pour sa réforme et sa simplification depuis de très longues années, gagnerait à déboucher rapidement pour faire en sorte de dépasser les pesanteurs de la vieille économie administrée et d’adapter les relations de travail aux contraintes de performance économique auxquelles font face nos entreprises. Le nouveau texte devrait prendre en charge y compris le volet de l’encadrement du  recours aux travailleurs étrangers qui relève actuellement d’un cadre légal datant de l’année 1981 et qui est aujourd’hui totalement obsolète.

• Le développement des talents et l’inclusion de la diaspora algérienne à travers le monde, gagneraient à mieux retenir l’attention des autorités algériennes. Face aux défis immenses auxquelles nos entreprises comme l’ensemble de notre économie sont appelées à se confronter au cours des vingt prochaines années, le talent et la ressource humaine sont des outils de toute première importance. Rien ne devrait être négligé pour leur mobilisation au service du pays. C’est là un aspect que les dirigeants algériens devraient mettre au tout premier rang des priorités de leurs actions.

7- Dialogue et concertation comme axe majeur de gouvernance de notre économie : mise en avant d’un véritable Pacte Economique et Social de croissance Nous voudrions, pour l’occasion, rappeler que notre association a été  réorganisation de notre système économique. Celui-ci avait été adopté solennellement et officiellement, mais, à notre sens, son contenu n’est toujours pas valorisé sur le terrain, à sa juste mesure.

Ce document est plus que jamais d’actualité parce qu’il résume, de notre point de vue, le sens que nous donnons au mot « inclusion ». Il préfigure le nouvel environnement économique que nous nous devons, tous, de travailler à mettre en place, à savoir : un environnement où les entreprises sont libres de créer de la richesse et de l’emploi, d’innoveret de prospérer, loin de toutes ces entraves administratives qui handicapent, jusqu’ici, leur croissance et leur développement ; un environnement qui réhabilite le travail et l’effort, dans lequel la richesse créée bénéficie en retour à tous ceux, femmes et hommes, qui ont contribué à la mettre en valeur ; enfin, un environnement dans lequel l’Etat cesse d’interférer dans la gestion quotidienne des entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, qui veille à l’application scrupuleuse de la loi et qui assume de façon plus déterminée ses fonctions de régulateur et de stratège.

Conclusion

Pour terminer CARE tient à souligner que, compte tenu des menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’économie algérienne, des menaces que le Président de la république vient lui-même de rappeler il y a quelques jours de cela, il considère le débat autour de ce nouveau modèle de croissance comme un moment particulièrement important de la vie de notre pays.

Nous devons tous regarder les réalités en face et comprendre vraiment que l’économie algérienne a aujourd’hui besoin d’institutions qui, loin des archaïsmes et des rafistolages, la projettent dans le 21ème siècle et la débarrassent définitivement des oripeaux de cette bureaucratie d’un autre âge qui gangrène son fonctionnement au quotidien. Elle a besoin, plus que jamais, d’une approche nouvelle qui propulse sa croissance et qui stimule les ambitions d’une jeunesse assoiffée de dignité et qui, à l’image des ainés qui ont libéré son pays, voudrait pouvoir sacrifier le meilleur d’elle-même pour arrimer l’Algérie à ce que le monde moderne offre de meilleur. Les membres de CARE se sentent, pour leur part, pleinement mobilisés face à ce défi.

 

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