éviter la bureaucratisation et mobiliser la société

Le Premier ministre M. Ouyahia et son équipe gouvernementale, auront ils, le   temps  (échéance présidentielle avril 2019)  ce que leurs prédécesseurs ont eu du mal à faire depuis l’indépendance politique  : une économie diversifiée hors hydrocarbures et éviter l’épuisement des réserves de changes horizon 2019/2020 ?

1.-Une situation préoccupante : quelques indicateurs socio-économiques

1.1-La population algérienne est passée de 12 millions en 1965, de 34 591 000 le 1er juillet 2008, à 37,5 millions d'habitants en 2010, 39,5 millions d'habitants au 1er janvier 2015, à 40,4 millions d’habitants au 1er janvier 2016 et à 41,3 au 01 janvier 2017. .. En avril 2017, selon l’ONS,  la population active a atteint 12,277 millions de personnes contre 12,117 millions en septembre 2016.  La population active était  de 9,493 millions d’habitants en 2005, 10,862 en 2010,  11,423 en 2012, 11,964 en 2013. 

1.2-Le taux d’emploi est  fonction dut aux de croissance -moyenne 3% 2005/2016- Le rapport du Fonds monétaire international (FMI) sur les perspectives économiques mondiales  pour l’Algérie montre  que  la situation devrait fortement se dégrader en 2017 et en 2018. En effet, le FMI table sur une croissance de 1,4% du PIB algérien en 2017 et en 2018, l’économie algérienne devrait connaître une quasi-stagnation, avec un taux de croissance du PIB de seulement 0,6%.

1.3-Conséquence directe de ce ralentissement économique, le taux de chômage devrait sensiblement augmenter sur la même période estimé à  13,2% en 2018 avec une tendance inflationniste La population en chômage selon l’ONS, était  de 15,3% en 2005, en 2011 10%, 11% en 2012, 9,8% en 2012/2013, 10,6% en 2014 11,2% en 2015. Selon l’ONS, cité par l’APS, en avril 2017, la  population en chômage a ainsi atteint 1,508 million de personnes, soit un taux de chômage de 12,3% au niveau national, en hausse de 1,8 point par rapport à septembre 2016 avec  un taux de chômage des jeunes de 16-24 ans de 29,7%.

1.4-Selon les documents du FMI, les sorties de devises des services souvent non commentés ou les surfacturations sont plus faciles,  ont été de 10,7 milliards de dollars en 2013, 11,7 en 2014, 11,0 en 2015, 9,9 en 2016 avec une prévision de 10,6 milliards de dollars en 2017. Le rapatriement légal des bénéfices, selon les sources du FMI, a été de 8 milliards de dollars en 2013, 8 en 2014, 6,5 en 2015, 3,1 en 2016 et une prévision de 3,7 milliard de dollars en 2017, prévoyant une moyenne entre 4,5 et 5 milliards de dollars entre 2018/2020. Dans ce cas, au rythme des indicateurs financiers des sept premiers mois de 2017, en toute hypothèse, les sorties de devises, sans compter les transferts légaux de capitaux, clôtureraient fin 2017 à 45-46 milliards de dollars (biens) plus 8-10 milliards de dollars (services) soit 53-56 milliards de dollars et tendant vers 60 milliards de dollars avec les sorties légales de capitaux. Ce montant de sorties de devises correspond pour l’équilibre à un baril variant entre 85-88 dollars pour éviter des tensions au niveau de la balance des paiements.

1.5-  Les réserves de l’Algérie ont été estimées à 56 milliards de dollars en 2005, 77,78 milliards en 2006, 110 milliards en 2007 à 138,35 milliards de dollars en 2008, à 147,2 milliards en 2009, à 157 milliards de dollars fin 2010 ,  2011 avec 188,8 milliards de dollars en 2011, 190, 66  en 2012, 194 milliards de dollars en 2013, 179,9 milliards de dollars en 2014, 152 milliards de dollars fin 2015,  et selon le rapport du FMI à  113,3 mds usd en 2016 et à environ juillet 2017 à 100 milliards de dollars. Pour avoir un équilibre budgétaire selon le FMI, l’Algérie aura besoin d’un prix de pétrole de 87,6 dollars/baril.

1.6-quelle a été l’évolution de  la cotation du dinar algérien  de 1970 à  aout 2017 ? Le  franc français nous avions 1 DZD = 1FRF en 1971  et 1DZD = 0,84 FRF en 1985.Ainsi nous avons les cours suivants :1970 :  4,94 dinars un dollar- 1980 :  5,03 dinars un dollar- 1985 :  5,03 dinars un dollar- 1989 :  8,03  dinars un dollar- 1990 : 12,02 dinars un dollar-1991 : 18,05 dinars un dollar- 1994 : 36,32 dinars un dollar- 1995 : 47,68 dinars un dollar.  Après la période du rééchelonnement, le cours continue de glisser : 1996 :  54,74 dinars un dollar- 1997 :  57,71 dinars un dollar- 1998 :  58,76 dinars un dollar- 1999 :  66,64 dinars un dollar- 2001 :  69,20 dinars un euro   et 77,26 dinars un dollar- 2002, 75,35 dinars un euro  et 69,20 dinars un dollar-  2003, 87,46 dinars un euro  et 77,36 dinars un dollar- 2004, 89,64 dinars un euro et  72,06 dinars un dollar- 2005, 91,32 dinars un euro et 73,36 dinars un dollar- 2006, 91,24 dinars un euro  et 72,64 dinars un dollar- 2007, 95,00 dinars un euro  et 69,36 dinars un dollar- 2008, 94,85 dinars un euro  et  64,58 dinars un dollar- 2009, 101,29 dinars un euro et  72,64 dinars un dollar- 2010, 103,49 dinars un euro et  74,31 dinars un dollar-  2011, 102,21 dinars un euro et 72,85 dinars un dollar- 2012, 102,16 dinars un euro  et 77,55 dinars un dollar- 2013, 105,43 dinars un euro et 79,38 dinars un dollar- 2014, 106,70 dinars un euro et 80,06 dinars un dollar- 2015, 108,60 dinars  un euro et 99,50 dinars  un dollar -2016 (11 mai) 124,936  dinars 1 euro   et  109,275  dinars  un dollar et le 26 aout 2017 130,73 dinars un euro  et 109,58 dinars un dollar .

1.7- Quelle a été l’évolution du taux d’inflation ? Le taux d’inflation officiel entre 1989 et  2017 a été le suivant : 17 87% en 1989 ; 25 88% en 1991 ; un pic de 31,68% en 1992 ; 21,9% en 1995 ; 5% en 1998. En 1999 : 4/2% ; en 2000 : 2% ; 2001 et 2002 : 3% ; en 2003 : 3,5% ; en 2004 : 3,1% ; en 2005 1,9% ; en 2006 : 3% ; en 2007 : 3,5% ; en 2008 : 4,5% en 2009, 5,7% en 2010, 5% ; en 2011, 4,5%, en 2012, 8,9%, en 2013, 3,3%, en 2014, 2,9%, en 2015, 6,7% en 2016  et 6,1% en avril  2017.

2.- Mobiliser la société 

2.1-Comme je lai suggéré dans mes  récentes contributions, je me félicite du report de la Tripartie afin d’éviter les mêmes scénarios que les 21 triparties précédentes. Egalement comme  je l’ai suggéré au précédent gouvernement, l’actuel Premier ministre   a eu totalement raison de supprimer l’Inspection générale de contrôle des finances et des marchés publics, installée par M. Tebboune au niveau de son cabinet, à travers laquelle il entendait se pencher sur les problèmes majeurs en matière de marchés publics car elle aurait été inutile. Plutôt de créer une institution de plus pour qu’à la fin, elle ne contrôle rien  il faudrait améliorer le fonctionnement de celles qui existent avec les mêmes prérogatives que sont l’Inspection générale des Finances, la Cour des comptes et l’Institut national de lutte contre la corruption.

2.2-Je ne vois  pas la nécessité  d’une énième inspection, composée de quelques  inspecteurs, surtout qu’au vu de mon expérience, en qualité de magistrat à la Cour des comptes, rien que pour Sonatrach, il faut 200 magistrats. Cela aurait été compris comme une chasse aux sorcières alors qu’il s’agit de ne pas faire peur aux gestionnaires et laisser les institutions de la République travailler normalement.

2.3-Concernant  la tripartite, qui avait été annoncée pour le 23 septembre prochain à Ghardaïa, mais qui a connu lors de la  réunion informelle du 24 août 2017  un changement de calendrier (aucune date fixée pour le moment) , j’ai été présent à la dernière réunion gouvernement-UGTA-patronat, à Annaba  où il avait  été question de diversifier l’économie et nos sources de revenus, même si je constate, qu’après 21 tripartites, nos recettes continuent d’être tirées à 97% de la vente du pétrole et du gaz. Pourquoi ?  Les partenaires du gouvernement, que sont l’UGTA et le patronat, disent que c’est le gouvernement qui n’a pas appliqué les différentes directives ou décisions issues des tripartites. Mais, ce que je constate pour ma part, c’est l’existence de certains partenaires qui ne se réunissent avec le Premier ministre que pour obtenir des marchés publics. 

2.4-L’objectif stratégique  est d’aller véritablement vers un large consensus  face aux tensions budgétaires inévitables entre  2017/2020 devant éviter la vision strictement monétariste équilibrer recettes/dépenses comme un gestion d’épicerie.  Attention à la généralisation du financement non conventionnel de la planche à billets avec le risque d’un processus inflationniste incontrôlée (expérience récente du  Venezuela). La solution est  d’avoir une vision stratégique de mutation systémique.

2.5-Quoi qu’il en soit, j’ai toujours demandé à ce que la tripartie soit élargie à d’autres syndicats et organisations patronales représentatives, étant souhaitable pour ces derniers qu’ils dépassent la vision étroite de  leadership, devant se  regrouper par branches , pour faciliter le dialogue,  sachant que sur le plan social, nous avons trois ans de répit, à considérer que nous disposons encore de 100 milliards de dollars de réserves de changes et d’une dette extérieure de moins de cinq milliards.  Mais attention, si c’est toujours les mêmes qu’on voit depuis 1995, comment voulez-vous que ce consensus soit réuni  pour  élargir le dialogue social à d’autres partenaires économiques et sociaux ? Dans ce cas de figure, il s’agira d’un monologue avec peu d’impacts sur la mobilisation de la société.

2.6- La future tripartite doit ressortir avec une réorientation totale de la politique économique. Et sur ce point, je salue la directive du président de la République qui a appelé à un large front social qui réunit tous les Algériens et toutes les Algériennes, dans  son message à l’occasion de la célébration de la Journée du moudjahid, dans lequel il appelé  à un front commun pour sortir de la crise.

 En conclusion

Comme j'ai eu à le souligner le 26 août 2017  dans deux quotidiens gouvernementaux ( 1) Face aux tensions budgétaires inévitables entre 2017/2020, le cours du pétrole étant à la baisse pendant une longue durée,  gouverner étant de prévoir, il s’agira, en fonction des résultats quantifiés et datés, de mettre en place des stratégies d’adaptation tant sur le plan économique que social et politique solidaires, supposant un large front national, tenant compte des différentes sensibilités, des mutations locales et internationales, étant à l’aube de la quatrième révolution économique mondiale avec de profonds bouleversements géostratégiques(1).   Car, du fait que la crise multidimensionnelle que traverse la société algérienne est systémique, cela dépasse le cadre strictement économique, renvoyant à des aspects politiques impliquant une gouvernance renouvelée et donc la refondation de l’Etat si l’on veut éviter à terme une implosion sociale aux conséquences désastreuses pour le pays. L’Algérie selon les observateurs internationaux, a toutes les potentialités, sous réserves de profondes réformes,  pour asseoir une économie  diversifiée garante de la stabilité de la région  méditerranéenne et africaine. 

Pr.abderrahmane Mebtoul

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