La faiblesse des recouvrements de la fiscalité ordinaire et l’évasion fiscale

INTRODUCTION

L’équilibre budgétaire est un des principaux indicateurs de la bonne santé financière et économique de l’Etat induite par une bonne gouvernance et une politique budgétaire saine.

L’amélioration du niveau de cet équilibre a toujours constitué un objectif clé de la politique économique, il constitue pour plusieurs pays et organisations internationales, un critère d’éligibilité et une condition d’accès à certains avantages, à l’instar de la zone euro ou le taux de 3% du déficit budgétaire rapporté au PIB constitue avec le niveau de la dette publique la principale condition  pour rejoindre cette zone.

Un déficit budgétaire, même important, peut être admis dans une période limitée, pour atteindre certains objectifs tracés préalablement, mais le problème réside dans sa persistance dans le temps, il devient ainsi un déficit chronique difficile à résorber.

L’atteinte de l’équilibre budgétaire passe par l’augmentation des ressources ordinaires ou bien par la résorption des dépenses budgétaires.

La diminution de la dépense peut être problématique dans notre pays du fait que d’une part, réduire la dépense d’équipement peut freiner sensiblement la croissance économique, et d’autre part agir sur les dépenses de fonctionnement, qui sont constituées en grande partie de dépenses incompressibles à savoir les salaires et les subventions, peut toucher à la paix sociale.

De ce fait, on va axer notre contribution à analyser les ressources de l’Etat et voir quels sont les voies et moyens pour améliorer le niveau des recouvrements.

 

L’EVOLUTION DES RECOUVEREMENTS FISCAUX

Cette analyse, se limitera aux recettes ordinaires, étant donné que la fiscalité pétrolière se caractérise par sa volatilité et son évolution dépend de données exogènes notamment la conjoncture économique et politique internationale.

Le déficit du trésor s’établira en 2019 à -2 400 milliards de DA en hausse relativement à fin décembre 2018( -1886,31 milliards de DA), et fin  décembre 2017 (-1590,28 milliards de DA ).

Les ressources ordinaires ont, certes, connu une faible évolution en 2018 par rapport à 2017 (prés de 3%) mais cette évolution et liée à la mise en place du crédit non conventionnel (recettes exceptionnelle).

Les recettes ordinaires enregistrent depuis 2017, un recul important alors que le produit intérieur brut hors hydrocarbures et hors agriculture (PIB HH ET HA), qui constitue l’assiette de ces recettes, enregistre des hausses moyennes de sa valeur courante de 5-8 %.

Il devient, donc, impératif de voir quelles sont les raisons de ces baisses et globalement de cette moins value fiscale par rapport à son assiette et quels sont les moyens de l’améliorer.

 

L’AMELIORATION DES ECOUVEREMENTS FISCAUX HORS HYDROCARBURES

Selon notre avis, la faiblesse du rendement de la fiscalité ordinaire provient de trois axes principaux :

  1. La faible inclusion fiscale due à la présence d’une économie informelle très large non incluse dans l’assiette servant de base au calcul des impôts et taxes.
  2. L’évasion fiscale dans l’économie formelle caractérisée par les sous ou absences de déclarations.
  3. La dépense fiscale qui touche plusieurs produits et activités et dont  les  répercussions sur la croissance et l’emploi ne sont pas évidentes.
  4. Elle peut aussi provenir de l’augmentation des taux, mais cette option demeure trop risquée et peut entrainer une recrudescence de la fuite fiscale.

Pour le premier point, l’estimation du poids de la sphère informelle reste trop imprécise, il varie selon plusieurs observateurs entre 30% et 45% du PIB, soit dans les 4000 à 6000 milliards de DA, présentant un manque à gagner important au budget de l’Etat.

Pour l’évasion fiscale, il s’agit seulement des activités de la sphère formelle mais qui optent pour une sous déclaration du revenu de leur activité et/ou du nombre de leurs employés.

L’ex directeur général des Impôts, a indiqué dans une déclaration à la presse  que le Trésor public avait enregistré un manque à gagner de l’ordre de 30 milliards  à 40 milliards de dollars durant la période 1999 à 2019.

Ce chiffre énorme, malgré les différentes mesures prises requiert des mesures structurelles et radicale en plus d’une adhésion des sujets fiscaux.

Une transformation radicale passe une plus grande transparence et une traçabilité des transactions commerciales ou autres soit par le recours à la numérisation économique, une modernisation des services fiscaux, le passage par la réhabilitation du chèque et des moyens de paiements électroniques comme seuls moyen de règlement monétaire et l’usage de la facturation systématique et obligatoire.

La modernisation des services fiscaux par les recours à l’informatisation pourrait endiguer la corruption dans cette institution avant de l’éliminer progressivement.

La réticence  l’utilisation obligatoire du chèque et les événements qui y ont fait suite en 2011 témoigne de son importance dans l’éradication  ou de la minimisation de la déclaration fiscale.

Les différentes mesures prises jusque la dénotent de leur limite, il s’agit notamment de droit d’information, droit d’enquête, droit de visite, au contrôle fiscal ainsi que l’enregistrement des contribuables auteurs de fraudes dans le fichier national des fraudeurs. Ces mesures peuvent s’avérer plus efficaces en améliorant les moyens d’intervention des services fiscaux et en les modernisant.

Concernant la dépense fiscale, elle constitue une renonciation de l’Etat à une ressource budgétaire en procédant à l’octroi d’un avantage fiscal ou à l’application d’une mesure dérogatoire..

Cette dépense fiscale à été estimée par les services du ministère des finances à prés de 1000 milliards de DA pour chacune des lois de finances pour 2012 et 2013 (rapport de présentation des LF 2014 et 2015).

L’impact de cette dépense fiscale sur la croissance et l’emploi n’a pas été mesurée, il convient de ne reconduire que les mesures qui ont eu un impact réel et prouvé par rapport aux objectifs tracés à toute dérogation, abattement ou renonciation à un impôt ou une taxe.

 En conclusion, on peut dire que la fraude, évasion fiscale ou même la dépense fiscale ont atteint des proportions alarmante et que leur estimation dans un premier temps et leurs solution dans un deuxième temps devient une nécessité absolue.

Les recouvrements effectués par les services fiscaux ne sont efficaces à une grande proportion que vis-à-vis des entreprises publique et des salariés (IRG et autres retenues à la source fiscaux ou parafiscaux), ce qui touche à un fondement de la politique fiscal qui est l’éthique et la non discrimination.

Une politique fiscale efficace ne peut être menée que si elle est basée sur une bonne gouvernance, une justice parfaite et une institution moderne incluant les compétences nécessaires à la réalisation de cet objectif.

Benhammou younes

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